Le mal de mer o_ô ( Stephen au secours XD )

Stephen sentit un sourire amusé, sincère, effleurer ses lèvres aux paroles de Jack. Il se sentait bien tout à coup, même avec l'inquiétude sourde qui ne le quittait pas. D'habitude, il restait toujours un peu sur sa réserve, même seul avec Jack, alors qu'il pouvait dire sans soucis qu'il était celui à qui il faisait le plus confiance. Mais même son capitaine ne l'avait vu pour le moment détendu comme il l'était maintenant.

Mais bien, sûr, bien sûr, il fallait que cet imbécile d'Anglais vienne tout gâcher ! En quelques petits mots ! Qu'il n'aurait jamais dû mettre à la suite les uns des autres. En quelques malheureuses phrases ! Une angoisse s'était soudain emparé de Stephen, alors que les mots prononcés faisaient écho à ce à quoi il s'était refusé de penser pendant tout ce temps.

Comme si la main de Jack était soudain devenu brûlante, Stephen retira la sienne, trop en colère par la terreur que Jack venait de provoquer en lui pour se rendre compte qu'il blessait son ami alors que celui-ci tentait de retenir sa main, rendu trop faible par la maladie pour pouvoir faire preuve d'une vrai poigne. Bien entendu, Stephen était d'une trop grande mauvaise fois, même vis à vis de lui-même, pour reconnaître qu'il avait peur. Non, pour lui, il était juste hors de lui.

Il se leva du lit et fit trois pas dans la pièce, avant de se retourner vers Jack pour le fusiller du regard, comme s'il venait de l'insulter.

_Je suis médecin de bord, capitaine, engagé sous votre demande. Je ne fais que mon devoirs, et vous préviens des risques que vous encourrez. Si malgré tout vous tenez quand même à prendre des risques idiots, libre à vous, mais dans ce cas là, ne me faites pas perdre mon temps.

Ces accusations étaient totalement infondés. N'importe qui aurait pu le voir. Mais pas Stephen. Pas troublé comme il l'était. C'était la seule explication possible. Il n'y en avait pas d'autres. Alors Jack avait fait n'importe quoi.

La voix de Stephen avait retrouvé son ton glacial que même les icebergs devaient lui envier, alors qu'il se faisait cassant, se voulant même blessant inconsciemment. Non. Jack n'avait pas le droit d'aller là où il allait. Stephen avait trop peur pour s'aventurer lui-même à cet endroit. Alors il préférait se retrancher derrière toutes ses barrières. Ne même plus laisser Jack s'approcher... qu'il se tienne loin, le plus loin possible.... Tout cela, sans même que le médecin ne s'en rende compte, persuadé qu'il était que son capitaine avait tord.

Jack avait beau être plus fort, il était inattentif et Stephen plus rapide ; ça ne pardonne pas . Son ami lui échappa et disparut dans le brouillard qui avait envahi la pièce . Il resta un instant la main tendue, puis se replia sur lui-même, ramenant les couvertures pour se prémunir du froid qui ne faisait qu'augmenter .

Au départ il accusa toutes les paroles de façon distincte, comme une suite de coups rapides et espacés dans le temps, une série de lames fines venues le transpercer aussi sûrement qu'une pluie d'hiver . Mais passé un certain moment, sa vision se brouilla définitivement et il perdit également le discernement des mots les uns des autres . Il lui semblait voir sans l'entendre Stephen qui alignait les phrases derrière son rideau de brume ; le seul son qui lui parvenait était également sa voix, mais calme, triste et désolée, qui disait simplement : Vous m'avez fait mal, je m'en vais . Jack sentit une révolte sourde venir s'ajouter dans son coeur aux brûlures de la fièvre . Il ne fallait pas qu'il le laisse partir, et surtout, qu'il le laisse souffrir . Sans tenir compte de la chambre qui tourbillonnait, il se redressa, se fit une béquille de tous les obstacles qui jonchaient son parcours et rejoignit le médecin . Il faillit d'abord tomber, ce qui dissuada sans doute Stephen de simplement fermer une porte entre eux ...

Une autre phrase lui revenait maintenant, martelant sa tête à chacun de ses pas, tandis qu'il essayait désespérément de retrouver cette phrase que Stephen avait prononcée à son chevet alors qu'il était encore endormi : la première qu'il ait distinctement entendue une fois qu'il eut retrouvé sa lucidité . ''Pourquoi étiez-vous jaloux ...?'' Comme Stephen avait l'air normal à ce moment-là, calme et amical, conscient de son ascendant certes mais ne tentant absolument pas d'en profiter, si ce n'est pour que son patient aille mieux . Pour l'heure, le seul effort qu'il avait l'air de faire en ce sens - et qui n'en était pas un, il se contentait de suivre sa nature - était de ne pas trop élever la voix, même sous l'effet de la colère . Sinon, il avait juste l'air de vouloir que Jack se taise .

''Il faut que vous m'écoutiez !''

La fièvre et ses tourbillons n'étaient qu'un caprice des mers comme les autres ; il avait déjà affronté l'ennemi au milieu d'éléments déchaînés, qui n'avaient jamais su le distraire de son but principal . D'ailleurs, il se moquait royalement d'être malade . Si un médecin moins scrupuleux lui avait dit de retourner sur le pont assurer son quart comme d'ordinaire, il l'aurait fait sans se poser de questions, et il y a fort à parier qu'il ne serait même pas tombé par-dessus bord . Il était passé en mode ''stratège dont le bâtiment est en péril''. Au premier geste que Stephen fit dans sa direction, il prit appui sur lui pour faire le dernier pas et l'entoura de son autre bras pour l'emprisonner littéralement dans une étreinte sans concessions . Il avait envie de rester debout, c'était le seul moyen, et il craignait vraiment trop que Stephen prenne le large avant qu'il en ait fini avec son idée .

''Disons que cette jeune personne avait éveillé votre intérêt . Disons que je me suis conduit comme le dernier des égoïstes en me l'annexant sans vous laisser une chance de lui faire la cour, puis comme un goujat fini en parlant d'elle devant vous comme je l'ai fait . Chut ! Attendez, laissez-moi terminer .'' La chambre tournait soudain beaucoup trop vite et ce n'était pas la fièvre, c'étaient les événements qui se précipitaient, tentaient de s'envoler de leurs milliers d'ailes alors qu'il n'avait que ses deux mains pour les maîtriser . Il s'accrochait donc à Stephen, seul point fixe, quoi qu'il advienne et quoi qu'il en pense lui-même . Voilà ... c'était là-dessus qu'il devait le rassurer . Jack se sentait à la fois mieux et moins bien d'avoir partiellement atteint le vif du problème, mais n'avait pas le temps de se perdre en conjectures .

''Disons que c'est pour cela que vous êtes fâché contre moi . Eh bien si le cas se représente, dites-le moi tout simplement ... Il n'y a pas de problème . Tout va bien . C'est une circonstance courante entre amis . Mais jamais je n'aurais poursuivi ses faveurs si j'avais su, vous vous en doutez bien, jamais je n'aurais été m'en vanter ... C'était une distraction d'un soir, une bonne bouteille aurait fait l'affaire ! C'est vous qui êtes ... important .'' Il avait hésité sur le dernier mot mais n'en avait pas trouvé de meilleur, même si celui là ne traduisait pas de façon exhaustive la somme astronomique de sentiments contradictoires qu'il s'efforçait de faire passer . Sa résistance commençait à faiblir et il dut se rasseoir sans trop savoir où ; il n'y voyait plus assez clair pour savoir au juste ce que faisait Stephen .

Stephen, tout à sa colère, avait détourné les yeux de Jack, cherchant quelque chose, vite, n'importe quoi, pour s'occuper les mains. Bon, d'accord, il n'avait pas trouvé... Surtout que bon gré mal gré, il avait dû très vite reporter son attention sur Jack, qui avait décidé, dans l'inconscience la plus total, de se lever. Et qui semblait se diriger vers lui, pas très vite d'ailleurs, vu qu'il était obligé de s'appuyer sur toutes sortes d'objets pour atteindre son objectif, à savoir, lui.

Alors que Stephen allait rajouter quelque chose, et réprimander vertement Jack afin qu'il retourne se coucher, il se retrouva soudain prit dans une étreinte, dont il aurait sans doute pu se dégager, mais qui aurait signifier laisser son capitaine, affaibli par la maladie, sans soutien aucun. Et même si la plus violente des colères s'était emparée de lui, il ne pouvait, au fond de lui, se résoudre à une telle chose. Après tout, on ne laisse pas un malade dans le besoin sans soin, non?... L'excuse du médecin était décidément une excellente excuse, soit dit en passant.

Et voilà qu'en plus il ne pouvait même plus s'insurger devant des paroles aussi stupide. Prenant tant bien que mal son mal en patience, chose que toute personne aurait cru impossible en le voyant quelques instants plutôt, il décida d'accepter d'écouter Jack jusqu'à la fin. Étonnant comme il pouvait faire naître en lui les pires réactions, et en même temps le pousser à tester ses qualités à leur limite.

Et pourtant, pourtant... Stephen n'avait qu'une envie, à cet instant même, c'était de partir. De se réfugier dans son infirmerie, là ou Jack n'aurait jamais pu le suivre dans son état, déjà qu'il n'appréciait que très peu de se trouver en cet endroit en temps normal. De fuir Jack et ses mots stupides et blessant. De fuir ces bras qui le mettaient mal à l'aise, lui qui avait pourtant l'habitude de se trouver proche de son capitaine. Mais pas là. Pas maintenant. Il fallait d'abord qu'il se calme. Et ce que faisait et disait Jack ne l'aidait pas du tout. A la colère se disputer maintenant un profond malaise. Jack avait tort. Stephen le savait. Mais alors quoi?! Il ne savait pas. Ne voulait pas le savoir. Ne voulait pas se poser de questions. Voulait juste partir...

Mais ne le ferait pas. Pas quand Jack avait besoin de lui, se trouvait dans cet état. Foutu conscience professionnelle. Foutu conscience tout court d'ailleurs, qui le poussait à s'inquiéter pour lui, malgré tout ce qui était en train de se passer.

Enfin, Jack eu finit son monologue, et s'écroula sur la chaise qui, heureusement pour lui, se trouvait juste à ses côtés. Stephen quitta alors sa position de statue de sel, et tourna un regard sérieux vers lui.

_Vous délirez capitaine. Je mettrais cela sur le compte de la fièvre.

Le ton était aussi froid qu'avant. Mais Stephen n'avait pu empêcher une légère pointe d'inquiétude de percer dans ses mots. Jack devrait être couché... Il ne devait pas prendre de tels risques avec sa santé, il devait se soigner. C'était la priorité... Il aurait voulu que le blond retourne se coucher, qu'il reste sous les couvertures... Mais ce ne semblait pas être à l'ordre du jour pour le moment.

_Je ne suis pas comme vous, capitaine Aubrey. Je ne vais pas profiter de chaque passage à terre pour sauter sur toute forme féminine un peu trop facile. Je n'en vois pas l'intérêt. Gardez donc vos défauts pour vous sans en reporter les conséquences sur les autres.

Et le retour des paroles cassantes... Bon, de toute façon, Jack ne devait même plus être en état de l'écouter. Mais il devait quand même mettre les choses au clair. Pas question que Jack croit qu'il était comme lui totalement débauché... Il ne voulait pas qu'il croit qu'il était jaloux car monsieur collectionnait les conquêtes. Car malgré que le mot n'ai été prononcé, c'était bel et bien de cela dont l'accusait Jack !

Stephen, constatant que Jack semblait avoir un peu récupérer, passa sans grand ménagement le bras de ce dernier autour de ses épaules et, trouvant tant bien que mal un équilibre, commença à lui faire parcourir le trajet inverse de ce qu'il venait d'effectuer, à savoir retourner dans son lit. Tant bien que mal, car Jack n'était pas loin de faire une tête de plus que lui, et qu'il avait la carrure d'un marin aguerri, de quelqu'un pour qui l'exercice physique n'avait plus de secrets... Il voulait le remettre au lit. Et si possible ensuite partir de la cabine. Il se sentait trop mal pour rester pour l'instant... C'est avec difficulté, et grâce à l'aide que pouvait lui fournir Jack dont les jambes semblaient encore un peu fonctionner, qu'il arriva jusqu'au lit, près de perdre l'équilibre à chaque pas... Déposer le capitaine sur sa couche allait maintenant être le plus dur...

''C'est même pas vrai,'' marmonna Jack . Il ne savait absolument pas de quoi il parlait, c'était une défense instinctive . Il devait avoir encore trop bu à un de ces dîners assommants et interminables, pleins de vieux messieurs collet-monté, où la seule distraction d'un soir était la bouteille . Heureusement que Stephen ne buvait jamais, ou en tout cas, pas du vin . Il s'efforça tout de même de ne pas peser trop lourdement sur son ami car il ne savait pas s'ils étaient encore loin du but . Le but restant d'ailleurs à déterminer ... Enfin du moment qu'ils avaient réintégré la cabine, tout allait bien, n'est-ce pas ? Non, tout n'allait pas bien ... mais Jack ne voulait pas s'en souvenir pour le moment .

Il se rappela du lapin au dernier moment, alors qu'il allait tomber à deux mains sur son matelas où les couvertures étaient animées d'un mouvement suspect, ce qui l'alerta . Vivre avec un collectionneur de bêtes bizarres l'avait rendu méfiant . Il se laissa tomber à terre devant le lit et souleva les draps pour se trouver nez à nez avec la bestiole, qui semblait avoir développé en quelques minutes un goût certain pour la reptation et vint le chatouiller de ses moustaches . Jack n'était pas assommé au point d'ignorer qu'il s'agissait d'un lapin, mais c'était aussi maintenant une connaissance, comme en témoigna son geste immédiat pour l'attrapper - de nouveau par la peau du cou, il ne connaissait pas d'autre façon - et le prendre sur ses genoux pour le caresser . Il ne se sentait pas capable de rejoindre le lit pour le moment .

''Billy ? Viens ici mon bonhomme . Jamais vu un gaillard aussi mou, on ne te nourrit pas à ta faim toi non plus ? Je vais t'appeler Jumping Billy, ça te réveillera peut être un peu .''
Vous n'allez pas me croire, mais des années plus tard, ayant obtenu le commandement d'un brig beaucoup plus acceptable que l'Oyster Shell, il rebaptisera l'un des canons ''Jumping Billy'', en raison de sa tendance à se précipiter sur les servants sous l'effet du recul .

Spoiler:

Pour l'heure il avait besoin de poser une main au sol pour ne pas s'écrouler tout à fait . Heureusement que Stephen était là ... il le pensa à voix haute et, surpris par le son de sa propre voix, releva les yeux pour chercher celui à qui il s'était adressé . ''Je suis malade,'' lui dit-il d'un ton un peu perdu . ''Je déteste ça .'' Il sentit son sens de l'équilibre lui échapper quelques instants, puis tout commença à se remettre en place petit à petit . Il avait du mal à se faire à cette idée mais c'était évident, seules quelques secondes avaient passé . Que le monde de la fièvre était donc étrange ... c'est qu'il n'en avait pas l'habitude . Les climats les plus infâmes pratiqués par sa bonne vieille Angleterre n'avaient jamais eu raison de lui à ce point .

Bon, le lit, c'était pas pour tout de suite visiblement. Jack venait une fois de plus de récupérer le lapin et semblait perdu dans un autre monde. La colère de Stephen s'effritait, fondant comme de la neige sous un pâle soleil de printemps. Surtout quand Jack, malgré tout ce qu'il venait de lui dire, semblait trouver quelque réconfort ou aide dans sa présence... Son cœur se pinça d'une manière étrange à l'entendre dire ça.

Il en voulait à Jack. Pour ce qu'il lui avait dit. Pour ce qu'il avait fait. Pour être malade et provoquer une telle inquiétude chez lui. Et pour faire naître des sentiments si contradictoire, passant de la colère à un certain attendrissement... Dans la mesure ou Stephen pouvait être attendrit bien entendu.

Il s'agenouilla aux côté de Jack qui semblait totalement perdu.

_Oui, vous êtes malade.

Les paroles rassurantes n'étaient pas vraiment son fort. Et les limbes de leur dispute précédentes étaient encore trop présentes pour qu'il fasse des efforts. Cependant, quand Jack se mit à chanceler, Stephen, dans un réflexe dû à sa pratique, posa une main sur son épaule pour l'aider à tenir droit. Et ne l'enleva pas quand son capitaine sembla enfin retrouver un semblant de maîtrise de son corps.

_Jack... vous devriez être couché. Cet état ne durera pas si vous vous reposez.

Il était revenu à l'appeler par son prénom, touché sans le vouloir par la vulnérabilité de son ami. Il détestait lui aussi que Jack soit malade à vrai dire. Il n'était pas le Jack Aubrey qu'il connaissait...

_Allez, venez...

Stephen tenta tant bien que mal de relever Jack pour le poser sur sa couche, mais le capitaine ne semblait même pas avoir la force d'effectuer de tels mouvements. Voyant qu'il n'aurait pas la force de le mettre de lui même sur son lit, Stephen décida d'agir autrement. Il fallait à tout prit que Jack se repose, et le sol n'était pas l'endroit le plus confortable pour cela.

Après s'être assuré qu'il tenait assit sans son aide, Stephen se releva, le temps d'attraper les couvertures, et enroula rapidement son patient dedans. Il le prit ensuite contre lui, espérant que Jack n'allait pas se débattre. La situation était atrocement gênante, mais il ne pouvait plus le laisser fournir les efforts nécessaire pour qu'il tienne encore droit. Il était son médecin, Jack était son patient. Il ne devait pas être gêné parce qu'il aidait un patient. Pourtant, maintenir ainsi un Jack enroulé dans des couvertures, qui tenait lui même un lapin avait quelque chose de... totalement décalé, diront nous.

_Et maintenant, je ne veux plus rien entendre, vous vous reposez.

Les joues rouges d'une telle situation, Stephen ne laissa pas voir son visage au capitaine. Le repos, voilà. Et ça lui empêcherait avec un peu de chance de dire n'importe quoi pendant un petit bout de temps.

Non ... il ne bougeait plus, maintenant . Jack avait une perception instinctive du fonctionnement de son corps, et même s'il aurait été incapable, voire dégoûté, d'en nommer les diverses composantes, il savait vaguement ce qui se passait de manière générale . Là, il savait qu'il avait aggravé son état, en soi-même contrôlé et supportable, en se levant et en forçant sur le peu d'énergie qui lui restait après deux jours à manger extrêmement prudemment, et à ne pas forcément tout conserver dans son estomac . Il savait qu'il aurait été mieux couché mais puisqu'il n'y était pas, rien à faire, il restait où il était tombé . Et maintenant en plus il y avait des couvertures, parfait . Elles n'étaient pas à lui mais qu'importe ? Il laissa tomber sa tête contre son voisin le plus proche en marmonnant un remerciement et s'octroya une pause en jouant distraitement avec le lapin, avant de protester vaguement en s'apercevant que celui-ci lui grignotait le bout des doigts .

''Un lapin vampire ... ça ne m'étonne pas de vous .''

Il porta immédiatement son index à ses lèvres ; il n'avait pas le droit de parler, c'est vrai . Fermant les yeux, il se laissa glisser sur le côté pour s'appuyer sur son compagnon et cesser enfin de se crisper à la recherche d'un peu de chaleur, ce qui commençait à lui engourdir les muscles . L'air marin vif et frais passait sous la porte mal jointe, et Jack se sentit déstabilisé de n'y trouver aucun réconfort, contrairement à son habitude . Cependant ce repos forcé lui faisait du bien et les effets de la fièvre commençaient à s'affaiblir . Il n'avait aucune envie de bouger pour autant, mais dès qu'il en fut certain, n'eut rien de plus pressé que d'en avertir Stephen . Il s'était tout simplement couché au sol, à moitié sur les genoux de son ami, accroché à son bras, une main toujours posée sur la tête du lapin à qui cela semblait faire le même effet que le capuchon à un oiseau de proie, et qui ne faisait pas un mouvement, ses gros yeux ronds brillant entre les doigts du capitaine .

''C'est en train de passer . Le froid, et ainsi de suite . J'ai présumé de mes forces tout à l'heure, c'est tout ... Je vous prie de m'en excuser, cela ne se reproduira plus .''

Quelque chose lui disait que faire amende honorable ne suffirait peut-être pas ; il avait dépassé les bornes au vu de l'humeur de Stephen qui à sa connaissance ne s'était jamais mis dans un état pareil, ni même approchant . Peut-être que s'ils n'en parlaient plus jamais et n'y pensaient plus jamais, ce serait comme si cet épisode regrettable n'avait jamais eu lieu ? Enfin ... dans deux ou trois semaines, quand il ne serait plus malade du tout ... Il rouvrit les yeux et eut le plaisir de constater que les objets avaient un contour à peu près net ; il se tourna alors et regarda Stephen, essayant de voir à quel point ses réflexions avaient pu le mener durant sa brève absence .

Stephen ne put empêcher un vague sourire de fleurir sur ses lèvres alors que Jack marmonnait quelque chose qui n'avait pas vraiment de sens pour ensuite se rappeler de sa consigne et prendre un air coupable. Il avait laissé son capitaine s'installer dans la position qu'il trouvait le plus confortable, l'entourant seulement de ses bras pour tenter de le réchauffer. Il savait parfaitement que quand on était atteint d'une telle fièvre, rien ne pouvait faire disparaître la sensation de froid. Il pouvait seulement tenter de l'apaiser au maximum.

Mais les excuses de Jack vinrent à nouveau crisper le médecin. Ce n'était pas la même chose que précédemment, pas cette colère qui s'était emparé de lui. Juste... quelque chose qui le dérangeait, sans qu'il ne puisse mettre exactement le doigt dessus. Il dégagea doucement une de ses mains pour la poser sur le front de son ami, écartement sans brusquerie quelques courtes mèches blondes au passage.

_Effectivement, vous semblez aller mieux... Et il ne faut plus en effet que vous vous leviez alors que l'avis médical vous dit le contraire. D'ailleurs, vous allez me faire le plaisir de vous recoucher manu militari.

Stephen écarta un peu Jack de lui, l'aidant à se redresser afin de mieux pouvoir l'accompagner à sa couche. Et effectivement, vu la difficulté qu'il eut à installer Jack, il n'aurait pu le faire quand celui-ci ne pouvait se déplacer par lui-même. Une fois le capitaine couché, et alors que le lapin l'avait accompagné en grignotant joyeusement un pan de sa chemise, Stephen s'empressa de le recouvrir encore une fois de toutes les couvertures qui passaient par là.

Stephen voulait toujours partir. Il le savait, c'est ce qu'il aurait dû faire quand la discution avait commencer. Aller s'enfermer dans sa chère infirmerie et n'en ressortir que la nuit tombée, alors qu'il aurait été sûr que Jack dormait. Et pourtant, sans savoir pourquoi, Stephen s'assit sur le bord du lit, au côté du capitaine, l'observant, son regard énigmatique fixé sur lui.

Il savait qu'il avait tord lui aussi, tout au fond de lui, et qu'il aurait dû lui présenter ses excuses à son tour. Mais ça aurait été reconnaître que son attitude était déplacée, et il se refusait de se dire que cela était le cas.

_Vous n'aviez pas besoin de faire ça, je ne comptais pas partir.

Oui, voilà. Il lui en voulait de s'être fatigué inutilement. Jack était censé lui faire confiance. Il n'était pas censé douter de ses actes. Il n'était pas censé l'accuser à tord et à travers. Et il n'était pas censé lui courir après quand il était dans cet état. Voilà.

Stephen, dans toute sa mauvaise fois....

Attention avec Billy ... non, voilà, Jack le tenait, et à vrai dire il fit plus attention à ce que devenait la petite bête qu'à sa propre station debout . De toute façon il finirait couché et avec l'aide de Stephen ce fut rapidement chose faite . Il n'avait plus de vertige du tout, uniquement la tête lourde comme le matin même . Une fois de plus il regarda le médecin le border dans tout ce qui se composait de tissu et pouvait tenir chaud dans les environs proches . Il ne pouvait s'empêcher de sourire à ce spectacle même si naturellement, il en aurait fait autant pour le premier malade venu ; mais il reprit son air sérieux en l'entendant reprendre la parole . Pour l'heure, il était décidé à acquiescer quoiqu'il en résulte et sans même s'interroger sur ce que le médecin dirait .

''... si . Je ne sais pas ce que vous comptiez faire mais il fallait que je vous rattrappe . J'ai une excuse, la fièvre me rend inquiet ...''

Manqué . Bon, il se rattrapperait la prochaine fois qu'il parlerait, on va dire ça ... Il s'amusa un instant avec les oreilles du petit animal qui avait élu domicile près de lui, visiblement peu effrayé par la perspective d'être soulevé par la nuque sans raison de temps en temps . Difficile de croire qu'il venait d'Angleterre celui-là ... Si on voulait le faire passer pour un chien, lui attacher un collier aiderait sans doute . Jack se demanda si Killick saurait fabriquer ça, puis se souvint que Killick savait fabriquer à peu près n'importe quoi . Il avait bien créé une nouvelle variété de chaussures à l'usage personnel du seul homme capable de s'envoler du pont d'un navire ... Tiens, c'est vrai, tout à leur chassé-croisé pour découvrir le secret de la boîte mystérieuse, ils n'avaient pas encore pu parler de ça . Jack songea qu'il tenait peut-être là de quoi leur changer les idées à tous les deux .

''Vous vous souvenez de cet homme sur le port qui a essayé de vous vendre une sirène séchée dans un bocal ? Il avait cette invention ridicule qui vous passionnait tellement et nous n'avions pas le temps de lui faire plus amplement la conversation ... J'ai renvoyé Killick lui parler par la suite et il semblerait que la chose soit réalisable à peu de frais, je lui ai donc dit d'essayer et de ne vous en prévenir que si cela s'avérait concluant .''

Cela devait ressembler à un igloo de bois hermétique, abritant un banc qui occupait toute sa circonférence intérieure . A peine de quoi s'asseoir, et encore, pour quelqu'un qui aurait de petites jambes . L'intérêt principal était le hublot pratiqué dans le flanc du dispositif, sans compter la chaîne qui pendait du sommet du cône de bois . Le charlatan du marché prétendait qu'avec une telle cloche de plongée, il s'était rendu sans encombres aux profondeurs les plus secrètes des criques les plus désolées des îles les plus sauvages . Sachant qu'il prétendait y avoir capturé une sirène, on pouvait avoir des doutes ... mais l'industrie de la pêche au trésor était presque aussi développée en ces eaux que la piraterie, et si de telles inventions avaient réellement des chances de voir le jour, il y avait fort à parier que ce serait ici . Jack sur le moment s'était moqué de l'appareil, préférant pour sa part la plongée en eau libre ... et s'enfermer dans ce petit espace sombre au milieu des bruits aquatiques avait dans son imagination quelque chose de très angoissant . Mais il savait d'expérience que Stephen était capable de se passionner pour les présents les plus douteux .

Stephen secoua la tête, préférant ne rien ajouter sur le sujet. D'accord. Il mettrait tout cela sur le compte de la fièvre de son capitaine. Et le sujet ne reviendrait plus sur le tapis. C'était mieux, pour l'un, comme pour l'autre. Car malgré les apparence, s'énerver contre Jack tait loin d'être le divertissement favoris de Stephen. Et se poser des questions sur son propre comportement encore moins. Il adorait disséquer les autres. Mais n'était pas assez fou pour se faire subir le même traitement.

Mais bref. Pour le moment, mieux valait éviter de penser à tout cela. Stephen, vidé par les disputes incessantes, préférait de loin rester silencieux, à observer Jack triturait encore une fois le lapin si gracieusement prénommé Billy. Quel nom étrange... Sans s'en rendre compte, Stephen passa de nouveau sa main sur le front de son ami, remettant encore quelques mèches en place, avant de se saisir de la main de Jack, retrouvant leur position initiale. Comme pour effacer les paroles qui avaient été échangées quelques instants auparavant.

Jack, encore une fois, vint briser le silence. Stephen fouilla quelques instants dans sa mémoire avant de retrouver les souvenirs correspondant aux paroles de son capitaine, se demandant où il voulait en venir.

Et soudain, ses yeux s'éclairèrent, alors que pendant quelques brefs secondes un sourire aussi grand que celui d'un bambin le jour de noël illumina son visage. Non... Jack n'avait quand même pas fait ça ?! Stephen n'aurait pas été Stephen, et Jack n'aurait pas été si malade, il lui aurait sans doute donner au coup pour l'étreindre -dans une étreinte tout ce qu'il y a de plus masculin et viril, cela va sans dire-.

_Jack, je ne sais pas quoi vous dire. A part que... merci !

Oula, voilà que maintenant Stephen se mettait à balbutier. Mais c'était ce genre de petites attention qui lui faisait regretter ses coups de colères contre Jack. Seul un véritable ami pouvait avoir l'idée de telles choses !

_Jack, c'est merveilleux ! Il faut absolument que je l'essaye ! Avec cela, je pourrais aller là ou la plupart des autres scientifiques n'iront jamais ! Je pourrait explorer les fonds marins et...


Etc etc... Vous l'aurez comprit, débordant d'enthousiasme, Stephen se lança dans un long discours sur les profondeurs marines encore inexplorées, sur les animaux marins soit disant fantastique qui avaient inspirés nombres de légendes, et autres joyeuseté du même ordre. Ce ne fut qu'au bout d'un long moment, alors qu'il devait disserter depuis plus d'une demi heure, que Stephen se rendit compte que Jack ne l'écoutait plus. Terrassé lui aussi par les trop grandes émotions provoquées par la fièvre, et sans doute bercé par le flot incessant de ses paroles, le capitaine Jack Aubrey avait fini de s'endormir.

Stephen eu un petit sourire et chercha des yeux son protégé, qui semblait avoir déserter le lit... Il ne se trouvait pas très loin de ça, en train visiblement d'attaquer le pied d'une chaise à l'aide de ses dents. Stephen eut un sourire, soulagé que Jack ne voit pas ça, et tout en gardant dans sa main celle de son ami, de crainte de ne le réveiller, se pencha pour rattraper Billy qui se trouvait encore, heureusement pour lui, à portée de bras. Le lapin émit une nouvelle fois ce bruit si étrange, signe de sa protestation, avant de se laisser poser sans plus rechigner à côté du capitaine et de venir se lover contre lui, ne tardant pas à le rejoindre dans le sommeil.



( nouveau topic dans les îles ^^)